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Soleil d'encrier: réflexions littéraires diverses de Julie Gravel-Richard
Soleil d'encrier: réflexions littéraires diverses de Julie Gravel-Richard
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20 mai 2007

Écrire: une nécessité

RilkeLors de mes études en lettres, au cégep, on m'a fait lire un des grands classiques que doit avoir lu tout aspirant écrivain: Lettres à un jeune poète de Rainer-Maria Rilke.

Dans ces lettres, Rilke expose à son correspondant sa vision de l'écriture et lui prodigue quelques conseils. Et voici la première réflexion qu'il fait concernant l'écriture, le besoin d'écrire:

"Entrez en vous-même. Cherchez le besoin qui vous fait écrire: examinez s'il pousse ses racines au plus profond de votre coeur. Confessez-vous à vous-même: mourriez-vous s'il vous était défendu d'écrire? Ceci surtout: demandez-vous à l'heure la plus silencieuse de votre nuit: "Suis-je vraiment contraint d'écrire?" Creusez en vous-même vers la plus profonde réponse. Si cette réponse est affirmative, si vous pouvez faire front à une aussi grave question par un simple et fort "Je dois", alors construisez votre vie selon cette nécessité." (p. 20)

La jeune étudiante en lettres de l'époque avait longuement réfléchi à la question. Mais il y avait déjà longtemps que la réponse est évidente pour moi. Vivre sans écrire n'aurait aucun sens. Aucune saveur. Aucune couleur. C'est pour cela aussi que mon problème de santé est si grave, si central dans ma vie. Car non seulement il compromet mon espérance de vie, mais surtout, il vient menacer tout ce qui fait que cette vie a un sens!

Oui. Il y a longtemps que je sais la place qu'a l'écriture dans ma vie. Mais il est récent que je l'ai assumée. Et cet état ne se fait pas sans heurts intérieurs. Je voudrais, parfois, ne pas être esclave de l'écriture. Pouvoir vivre sans elle, ne pas dépendre d'elle. Mais l'écriture me domine totalement. Sans ménagements.

Rainer-Maria Rilke. Lettres à un jeune poète. Paris, Bernard Grasset, 1992 (1937). Coll. "Les cahiers rouges". 147 p.

Illustration: Dessin de Rilke en 1917 par Emil Orlik.

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Commentaires
D
Lux: Que répondre à tes mots? Ils me touchent beaucoup.
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L
Chère «égoïste»,<br /> C'est important d'avoir l'âme pure mais il ne faut pas devenir puriste. Le rôle des artistes, dans la peinture, l'écriture, le théâtre... c'est d'aller au plus profond d'eux-mêmes, de donner toute la place à ce qui les touche, les passionne, les exhalte ou les fait souffrir.<br /> Ce processus peut sembler égoïste car il y a un plaisir à se donner toute cette place à ses passions...<br /> Mais... <br /> Là où le courage et la générosité apparaissent, c'est dans l'ouverture aux autres, dans la révélation vulnérable et angoissante de ce qui est très personnel mais qui, reçu et assumé devient universel et permet à l'autre d'y trouver sa place.<br /> <br /> Le partage est toujours généreux. <br /> <br /> Quand une comédienne exprime un personnage en partant d'une expérience émotive personnelle et intense, ce n'est pas un acte égoïste, c'est un don à l'autre. Même chose pour une écrivaine. Dans tes blogs, Danaée, tu ne nous compte pas des histoires, tu nous donnes ta vie et ça nous éveille dans la nôtre.<br /> J'en profite
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D
Lux: C'est drôle que tu vois cela comme de la générosité de ma part! Je me sens au contraire si égoïste, par moment! Mais tant mieux si, en effet, cela se traduit par une lecture active et intéressante pour toi et d'autres. J'ai plaisir à partager ma vision de la vie et de l'écriture. Tant mieux si ce plaisir est réciproque!<br /> <br /> Quasi Umbra! Quelle belle surprise que de te revoir passer... Ton blog étant "mort", je me suis dit que ta présence s'était également effacée. Je m'excuse d'avoir douté! Pour ce que tu dis concernant le potentiel de ventes d'un livre, c'est bien réel. Les éditeurs le disent tous: ils doivent répondre aux demandes du marché. J'ai eu au début la réaction nombriliste de me dire qu'on n'avait pas encore su voir mon potentiel... Mais avec le temps, j'apprends à être plus humble et à me dire que les éditeurs sont les spécialistes de leur marché et doivent bien connaître leur lectorat. Il me faut donc trouver une maison d'édition pour laquelle je correspondrai à la ligne éditoriale. Mais je n'étais pas loin de mon but chez XYZ (la maison qui m'a fourni le rapport de lecture). Au plaisir de te lire à nouveau!<br /> <br /> Alcib: Don de Dieu ou punition du diable? Quelle belle façon de poser la question. Et quelle discussion pourrait s'ensuivre, ici! Pour ma part, il est clair que la réponse oscille entre les deux, selon les jours. Mais, si je trace un bilan général (et partiel, en raison de mon peu d'expérience encore), je dirais qu'écrire relève plus du don de Dieu. Parce que cela permet de passer à travers tant d'autres punitions divines...
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A
Quelle bonne idée d'ouvrir un nouveau blogue ! Félicitations et longue vie à ces pages.<br /> <br /> J'avais demandé un jour à Agnès Grossman si elle pensait, comme certains l'affirment, que l'écriture est « un don de Dieu » ou si elle croyait plutôt, comme certains de ses compatriotes, dont Thomas Mann, que c'est une « punition du diable ». Sans le savoir, et malgré les avertissements qu'on m'avait donné de ne poser que des questions simples, j'ai touché un point sensible chez la cheffe d'orchestre. Elle s'est immédiatement embrasée, m'a répondu très longuement, en citant Thomas Mann, bien sûr, mais aussi et surtout Rainer Maria Rilke. Elle répondait aux questions des autres parce qu'il fallait qu'elle leur accorde un peu d'attention, mais elle ne cessait de revenir vers moi pour compléter sa réponse. J'ai tellement regretté alors l'interdiction d'enregistrer la rencontre.<br /> <br /> J'ai tellement pensé à Rilke aussi, ces derniers jours. J'ai tellement lu et relu ces Lettres à un jeune poete ; j'en ai acheté et donné de nombreux exemplaires. Je devrais les relire bientôt.
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Q
Bonjour Danaée,<br /> <br /> Bien que je ne me sois pas manifesté sur ton autre blogue depuis déjà un bon bout de temps, je continue à te lire. Et je viendrai ici également.<br /> <br /> Qu'on ne publie pas ton dernier roman, même si on le trouve bon par ailleurs, démontre de façon assez éloquente que c'est le potentiel de vente qui prime sur tout. Qu'une personne bien connue écrive un premier roman et on le publiera à coup sûr, car on sait qu'il se vendra... tant mieux s'il est bon.
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Soleil d'encrier: réflexions littéraires diverses de Julie Gravel-Richard
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