Un titre
Le titre d’un livre est capital. Il s’agit de le nommer. De l’identifier. De lui intimer une identité propre. Le livre vit dans le titre même qu’on lui donne. D’où son importance. Et d’où la difficulté à arrêter un choix.
J’ai toujours trouvé que je n’avais aucun don pour les titres. Je suis d’une terrible platitude quand je constate les titres provisoires que je donne à mes écrits. Par exemple, j’ai intitulé le dossier contenant tous les documents relatifs au roman sur lequel je travaille actuellement Conversion de Thomas. C’est ainsi que j’ai longtemps conçu cette histoire : celle de la «conversion» d’un homme dérouté. Du latin «conversio», retourner.
Puis, j’ai eu une illumination. Un flash. J’ai pensé à Voici la coupe. Cela faisait référence au texte prononcé à la messe, lors de la présentation du vin et de l’hostie. « Voici la coupe de mon sang, livré pour vous et pour la multitude. » J’étais assez satisfaite de cette idée. À mon sens, c’était porteur.
Erreur. Beaucoup, à l’évocation de ce titre, associaient la coupe à la coupe Stanley, ou à d’autres événements sportifs. Le titre m’apparût donc beaucoup moins évocateur que je ne le croyais au départ. Déception. Pour ajouter à cela, le rapport de prélecture envoyé par XYZ soulevait un seul bémol à mon roman : le titre.
Quand j’ai rencontré Éric Simard pour la première fois, nous avons notamment parlé du titre du livre. Il était convaincu qu’il fallait le changer. Entre temps, j’avais refait une série d’autres envois de manuscrits. Cette fois, j’avais un nouveau titre : L’espoir de Pandore. Je faisais alors allusion au mythe de Pandore. Celle-ci, refermant la jarre d’où s’étaient échappés tous les maux du monde, avait réussi à conserver l’espoir. Un mal, chez les Grecs. Je trouvais l’allusion intéressante.
Mais mon directeur littéraire avait une autre idée en tête. Un titre plus concis. Plus intrigant, aussi. Il me conseillait de trouver un mot, un seul, idéalement étranger- grec ou latin- mon texte en est truffé- qui intriguerait le lecteur, tout en ayant une signification à découvrir au fil des pages.
L’idée était lancée. Ne restait qu’à trouver LE mot qui porterait l’histoire. Qui dirait, sans le dire, l’essence du roman.
Nous avons fait des essais. Apokalupto? Non. En plus, cela fait référence à un mauvais film sorti récemment. Temptatio était accrocheur. Le terme signifie « épreuve » et ciblait bien l’état dans lequel se trouve mon personnage central. Mais c’est mon éditeur qui a émis une réserve. Cela s’approchait trop d’un autre titre paru chez Septentrion récemment, Imago. J’ai dit en riant que ce qu’on me demandait donc de faire était de trouver un mot grec ou latin se terminant en « us » ou en « os ». C’est donc en ce sens que j’ai repris ma réflexion.
J’ai laissé errer mes pensées. J’ai feuilleté mon dictionnaire de grec, à l’affût. Et puis j’ai trouvé : Enthéos.
Enthéos signifie, en grec, « inspiré », c’est-à-dire celui en qui se trouve la divinité. C’est le mot qui a donné, en français, enthousiasme. Et c’est justement ce qui manque à mon personnage. Ce qu’il doit trouver. Retrouver.
Courriel à Éric. On le retient.
Si tout va bien, mon roman s’intitulera Enthéos.